admin/ septembre 2, 2021/ Témoignage orthophoniste

Samia Chaabane Abid, Orthophoniste et Présidente de la Chambre Syndicale Nationale des Orthophonistes du secteur privé en Tunisie. 

Une chambre syndicale, née le 2 mars 2012, que mes collègues membres fondateurs, me demandaient de remettre sur pieds, après des années d’inactivité.

Orthophoniste libérale depuis 2000, ayant démissionné de la fonction publique après7 ans, je n’avais aucune idée sur le travail syndical, ni sur le travail d’équipe. Dans l’équipe pluridisciplinaire dont j’ai fait partie durant 7 années, c’était chacun dans son coin. J’ai découvert par la suite que les membres fondateurs de la chambre n’avaient pas plus d’expérience que moi en travail syndical.

Je ne pouvais mieux servir mon pays que par l’engagement réel sur le terrain, dans le domaine qui est le mien. J’ai accepté le défi.

Il a fallu commencer par les longues démarches administratives pour redresser les erreurs et par la mise en place d’une nouvelle organisation et d’une nouvelle dynamique.

Le 7 septembre 2017, 1ère Assemblée Générale élective de la Chambre syndicale Nationale des orthophonistes du secteur privé en Tunisie

Elue à l’unanimité par les dizaines d’anciens et de nouveaux adhérents, sans m’être présentée à la présidence du nouveau bureau, me voilà concrètement propulsée de la position d’observatrice à celle d’actrice, pour un mandat de 5 ans.

Les défis ne manquent pas, tout est à construire. L’orthophonie est à l’image de la Tunisie : Un secteur qui part en vrille sur tous les plans.  Un secteur qui avance à reculons, Une profession en mal-être alors qu’elle est supposée apporter un bien-être à de jeunes et de moins jeunes patients.

L’orthophonie en Tunisie existe depuis la fin des années 70, nous n’en sommes plus à la promotion de la profession. Nous n’en sommes plus à la cinquantaine d’orthophoniste lorsque j’ai eu mon diplôme de la faculté de médecine de Tunis, les orthophonistes se comptent par centaines aujourd’hui. Mais il y a encore du travail à faire, auprès aussi bien des professionnels de la santé et de l’éducation, que des parents. Membres du bureau exécutif et adhérents, ont tous participé à la promotion de l’orthophonie : Emissions audiovisuelles, congrès, séminaires… De mon côté, j’ai participé, en plus, bénévolement à un travail d’équipe au ministère de la santé, et plus précisément à la Direction de la Médecine Scolaire et Universitaire. La CSNO est bien connue aujourd’hui de certaines sociétés et associations médicales locales et collabore notamment avec la Société Tunisienne de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent.

La Chambre Syndicale a été créée au départ, pour défendre le droit des patients à une meilleure prise en charge des soins en orthophonie. Il faut dire que cette prise en charge par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie date de 1982. Eh oui, bientôt 4 décennies se seront écoulées depuis que la nomenclature et les tarifs ont été mis en place… Une nomenclature archaïque et une tarification obsolète, c’est peu dire !Sachant que la CNAM est endettée et qu’elle ne s’est pas acquittée de ses dettes même auprès des hôpitaux publics depuis des années, espérer signer une convention était dès le départ une illusion, et je ne me nourris pas d’illusions. La crise actuelle générée par la pandémie, qui a fait découvrir au monde entier l’envers du décor, m’aura donné raison, il y avait plus urgent.

Comprendre les rouages administratifs et législatifs en place, entre cahier des charges de la profession, organisation, contrôle, fiscalité, enseignement, … est important. Entreprendre de réelles actions syndicales dans ce sens s’est vite avéré impossible en raison de l’instabilité politique. Depuis 2016, 10 ministres se sont succédés à la tête de la santé, emportant chacun avec lui les prémices d’espoir. Aujourd’hui nous en sommes au numéro 11.

Améliorer les prises en soins, était pour moi Le souci majeur, à commencer par ceux dispensés par les adhérents de la chambre syndicale, et par le secteur privé en général. La mise en place de journées, non pas de formation car aucune parmi nous n’a la prétention de s’autoproclamer formatrice, mais de journées de transmission d’expériences, ne s’est pas limitée aux pratiques en orthophonie. La chambre avait invité des collègues psychomotricien, audioprothésiste et orthoptiste à animer chacun à son tour une journée. La collaboration avec les autres professionnels est une condition sine qua non de qualité de soins. Le programme était riche, et la liste de volontaires bénévoles pour partager leurs expériences s’allongeait. Malheureusement tout s’est interrompu avec l’avènement de la pandémie. Tout comme a été annulé le 1er séminaire international que la CSNO comptait organiser en octobre 2020, et auquel allaient participer des intervenants de 10 pays différents.

L’absence de matériel local adapté se fait de plus en plus ressentir. J’ai créé moi-même les 2 premiers jeux phonologiques en arabe, qui ont été mis en vente par la CSNO. D’autres idées sont en attente de réalisation. Avant de m’engager auprès du syndicat, j’avais lancé l’initiative de créer le 1er bilan de langage oral tunisien et un petit groupe de collègues praticiennes, a adhéré à l’idée. Ce bilan est actuellement en attente de jours meilleurs pour l’étalonner et le finaliser.

Pour ce bilan, nous avions opté pour une création, l’adaptation de matériel étranger nécessitant une démarche qui nous était inaccessible. Les liens internationaux que j’ai tissé en tant qu’orthophoniste, et en tant que présidente de la CSNO, pourraient rendre les adaptations, les étalonnages, l’échange de matériel et d’expériences possibles, et plus accessibles.

Pendant les années de dictature, j’avais périodiquement besoin de partir me ré oxygéner auprès d’autres visages, sous d’autres cieux.

Insuffler un nouveau souffle à l’orthophonie tunisienne, nécessite à mon avis, de chercher des solutions sous d’autres cieux, avec d’autres collègues qui sont en mal pour leur profession : même si les maux nous séparent, les mots nous unissent.

 

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